Monde
La France entraîne l’Europe aux portes du Darfour
Le président français présente aujourd’hui au Conseil de sécurité un projet de force européenne au Tchad et en République centrafricaine.
QUOTIDIEN : mardi 25 septembre 2007
Nicolas Sarkozy doit présider, aujourd’hui, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU consacrée à l’Afrique et, plus particulièrement, à la crise au Darfour. Il devrait présenter le projet de résolution français créant une force européenne de 4 000 hommes - dont 1 500 Français - dans l’est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine, pour arrêter la contagion du conflit au Darfour, qui a causé 200 000 morts depuis 2003.
Ce volet va de pair avec la résolution 1769 du 31 juillet qui autorise l’envoi d’une force mixte Union africaine-Nations unies de 26 000 hom­mes au Darfour. Cette mission, chargée de ramener le calme, de protéger les civils et de veiller à l’application des accords de paix, sera pour les Nations unies la plus importante jamais mise sur pied. Mais la composition de la force est encore loin de faire l’unanimité. Le Soudan et l’Union africaine sont hostiles à l’envoi de soldats non africains. Les diplomates s’inquiètent aussi du manque d’aide des Occidentaux, qui sont censés prendre en charge la logistique, le génie et les transports. Malgré ses promesses, Khartoum a récusé l’envoi d’un bataillon de génie norvégien. Le gouvernement soudanais continue de considérer les Casques bleus occidentaux comme hostiles. Il craint notamment que ceux-ci exécutent les mandats d’arrêt émis par le procureur de la Cour pénale internationale à l’encontre des responsables d’exactions.
Microconflits. Autre inconnue de cette mission, censée prendre la relève de celle de l’Union africaine au plus tard le 31 décembre : son financement. Une fois le déploiement achevé, mi-2008, elle coûtera 2,5 milliards de dollars par an. L’approvisionnement en eau des 26 000 soldats et policiers s’annonce comme un casse-tête logistique, dans l’une des régions les plus reculées et démunies d’Afrique.
En attendant, la violence, qui s’est fragmentée en une myriade de microconflits tribaux, perdure. Un rapport d’experts, présenté hier au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à Genève, souligne la poursuite de «graves violations des droits de l’homme». Des bombardements par l’armée gouvernementale ont encore eu lieu, il y a deux semaines, et les civils continuent d’affluer dans les camps de déplacés.
Par ailleurs, le déploiement de la force ONU-UA ne portera ses fruits que si toutes les parties en conflit s’engagent à la paix, contrairement aux tentatives passées. Une conférence est prévue le 27 octobre, à Tripoli, en Libye. Mais, depuis Paris où il est réfugié, Abdel Wahid al-Nour, le chef du principal mouvement rebelle, le SLM, a déjà annoncé qu’il n’y participerait pas sans le déploiement d’une force de paix robuste et crédible… Retour à la case départ.
Rébellions internes. De l’autre côté de la frontière, au Tchad et en Centrafrique, la France a le plus grand mal à convaincre ses partenaires européens à s’engager. Les régimes de N’Djamena et de Bangui, proches de Paris, sont en butte à des rébellions internes, soutenues par des tribus présentes au Soudan, voire un temps par le pouvoir de Khartoum. La participation de Paris, vraisemblablement à hauteur de 50 % des 3 000 soldats (auxquels s’ajoutera un millier de policiers locaux et onusiens), a déjà suscité des menaces de la part des rebelles tchadiens, qui y voient un soutien actif au président Déby. Lequel a lui-même armé et hébergé des rebelles soudanais hostiles à Khartoum. La mission s’annonce à haut risque.